Publié dans le groupe Franz Liszt Group, le 7 juin 2021. Si vous voulez savoir comment la série “Histoire derrière” est née, je donne des détails dans l’article de la Série “Histoire derrière” No. 1.
Publication originale (traduction) :
Mon piano, c’est, pour moi, ce qu’est au marin sa frégate, c’est ce qu’est à l’Arabe son coursier, plus encore peut-être, car mon piano, jusqu’ici, c’est ma parole, c’est ma vie; c’est le dépositaire intime de tout ce qui s’est agité dans mon cerveau aux jours les plus brûlants de ma jeunesse; c’est là qu’ont été tous mes désirs, tous mes rêves, toutes mes joies et toutes mes douleurs.
Franz Liszt
Conversation et histoire derrière la citation et la photographie :
Diane Kolin
Bonjour les amis. Ici, nous avons à la fois le jeune Liszt et le vieux Liszt. Voice une nouvelle « histoire derrière » 🙂
La citation a été écrite par Liszt à son ami Adolphe Pictet, linguiste, philologue et ethnologue suisse, à Chambéry en septembre 1837. Elle a été publiée pour la première fois par Liszt lui-même dans la Revue et Gazette Musicale de Paris, revue dans laquelle il écrivait régulièrement, le 11 février 1838. Dans ce journal, Liszt publie une série de lettres sous le nom de “Lettres d’un bachelier ès musique”. Dans ces lettres, il écrit à ses amis pour leur expliquer ce que la musique signifie pour lui. La citation donnée dans cet article est une parfaite illustration du type de contenu que l’on pouvait trouver dans ces écrits. Lina Ramann a mentionné cette citation et cette lettre dans la première partie de sa biographie de Liszt (“Franz Liszt Als Künstler und Mensch, 1811-1840”, Volume 2), en allemand. Puis l’ensemble des lettres originales françaises a été publié. Je recommande fortement les “Lettres d’un bachelier ès musique”. Il y a 16 lettres au total, adressées à George Sand, Hector Berlioz et d’autres figures importantes du cercle d’amis de Liszt dans les années 1830 et 40.
La photo est une célèbre photo de Liszt dans ses dernières années prise par Louis Held, qui était un invité fréquent en 1884 et 1885, pour photographier le Maître et ses élèves. Sur ce cliché, vous pouvez voir Liszt à son bureau en juin 1884 dans sa maison de Weimar, la Hofgärtnerei. Aujourd’hui, lorsque vous visitez la Liszt-Haus à Weimar, le mobilier et les portraits sont toujours exactement au même endroit. Il y a quelques semaines, une photo a été publiée représentant Liszt assis dans un parc avec son élève Carl Lachmund et sa femme Caroline Lachmund. Celle-ci a également été prise par Louis Held en 1884. Lachmund a écrit un journal très détaillé sur ses années d’études avec Liszt, de 1882 à 1884, “Living with Liszt” (en français “Vivre avec Liszt”), dans lequel il décrit le jour où la photo à son bureau a été prise. Malgré son air sérieux (ce qui n’était pas rare pour Liszt lorsqu’il était photographié), il était de bonne humeur et avait accepté la demande de Held de le faire asseoir à son bureau pour une photo. Caroline et Carl étaient également présents. Caroline s’est occupée des cheveux de Liszt, et Carl a arrangé les livres – il a placé des partitions de Bach et de Beethoven sur le piano pour que les noms puissent être reconnus (on peut les voir sur le piano à gauche). Selon Lachmund, Liszt devait rester immobile pendant une minute complète pour que la photo puisse être prise.
Membre du groupe
Le journal de Lachmund est en effet une excellente lecture, à la fois pour ses descriptions de Liszt, ainsi que pour ses impressions sur ses camarades de masterclass, dont certains deviendront les plus grands pianistes de leur génération. Dans le même ordre d’idées, je recommande aussi chaleureusement les réminiscences d’Arthur Friedheim et de Siloti. Le journal d’Amy Fay, plus connu encore, qui raconte la deuxième période de Weimar des années 1870, est également intéressant à lire, d’autant plus qu’elle compare Liszt, Tausig et Rubinstein. De plus, et probablement le plus important, Rosenthal a écrit ses mémoires, dont le manuscrit est conservé à la Mannes School of Music, et qui a été récemment publié, je crois. Rosenthal, qui était estimé de Liszt, affirme que la célèbre crise de jeunesse de Liszt après avoir entendu Paganini en concert, suite à quoi il passa douze heures par jour au piano, était un mythe. Selon lui, ce n’était pas Paganini, mais nul autre que Chopin, qui a précipité la crise. Toujours selon Rosenthal, Liszt a dit à ce dernier qu’il ne pouvait se résoudre à admettre publiquement que c’était un autre pianiste qui l’avait poussé à une étude aussi intense !
Diane Kolin :
Absolument 🙂
Amy Fay a écrit “Music-study in Germany” en 1913. Elle a passé une partie de l’année 1873 en tant qu’élève de Liszt et a décrit en détail son expérience. Comme l’a dit [membre du groupe], ce livre ne concerne pas seulement Liszt mais raconte la très riche vie musicale allemande : Tausig, Clara Schumann, Joachim, Rubinstein, Kullak, Wagner, von Bülow, Deppe…
Quant à Siloti et Friedheim, tous deux racontent leur vie d’élève du Maître durant les dernières années de sa vie, avec des descriptions détaillées des morceaux qu’ils travaillaient avec lui et de l’organisation des masterclasses. En 1986, un livre intitulé “Remembering Franz Liszt” a été publié, contenant les deux témoignages.
Alexander Siloti a écrit “My Memories of Liszt”, publié pour la première en 1903. C’est un texte court mais assez complet sur sa vie à Weimar.
Arthur Friedheim a écrit “Life and Liszt”, publié pour la première fois en 1961. Il a commencé à étudier avec Liszt en 1879, et est resté son élève jusqu’à sa mort en 1886. C’est un journal, mais il raconte aussi au lecteur la vie de Liszt, sa correspondance, ses écrits … Ce livre est très intéressant.
Dans les écrits de ses élèves sur le Liszt professeur durant ses dernières années, il y a aussi les souvenirs d’August Stradal, qui a publié des esquisses de partitions de Liszt et a dressé un portrait de l’homme et de l’enseignant, ainsi qu’August Göllerich, qui a énuméré toutes les oeuvres interprétées par les étudiants lors des masterclasses de 1884 à 1886, avec les commentaires et les directives de Liszt.
Pour en savoir plus sur la période de masterclass antérieure, lorsque Liszt avait une quarantaine d’années, son élève William Mason a écrit “Memories of a musical life”, publié en 1900, dans lequel il raconte sa vie en Amérique et en Europe. Une bonne partie du livre concerne ses études avec Liszt à Weimar pendant deux ans, de 1853 à 1854. Après le départ de Mason, ils se sont écrits jusqu’à quelques jours avant la mort de Liszt. Dans ce livre, comme l’a fait Amy Fay, Mason parle aussi de Moscheles, Wagner, Schumann, Joachim, Chopin, Thalberg, Rubinstein, et d’autres personnalités musicales de l’époque où il était en Allemagne.
Restez curieux, continuez de lire 🙂
(Note : N’est-ce pas fabuleux d’échanger des références ? La conversation s’est poursuivie et d’autres références ont été données, mais nous avons abordé un autre sujet.)